Chez Mielle Loindeux

Mielle était tranquillement allongée sur son canapé.
Elle portait une chemise rose pâle et un pantalon noir à fines rayures roses.
Elle admirait la blancheur du haut plafond de son loft.
Tout son appartement était blanc.
Il n’y avait aucun meuble si ce n’est deux canapés noirs au milieu de l’immense pièce dans une sorte de creux carré et une table basse, en verre, les séparant.
Mielle n’aimait pas « s’encombrer » et tout était toujours « nickel » chez elle, la femme de ménage passait tous les jours.

Il y avait tout de même une pièce où le bazar était roi : son atelier.
Il se trouvait en face des immenses bais vitrées, derrière elle.
Il n’avait pas de porte.
Les murs étaient couvert de peinture que Mielle avait balancé au gré de ses humeurs et techniques.
On pouvait trouver des toiles adossées aux murs ainsi que des chiffons et des livres par terre… C’était son capharnaüm.

Là, elle était plus ou moins pensive, faisant tournoyer un pinceau entre ses doigts. Elle jouait à cela depuis près d’une heure quand son téléphone sonna.
Elle se pencha pour récupérer le combiné qui était sur la table, le mit sur son ventre, décrocha et dit bougonnement :

« Vous me dérangez là…. Non, j’ai pas envie… Je reviens à peine ! Là j’ai besoin de me poser et de faire mumuse, c’était ainsi qu’elle définissait ses activités créatrices. Pfffff, tu me prends la tête… »
Elle avait son patron au téléphone, il souhaitait la voir pour lui parler d’une mission lui promettant du nouveau et de l’action.
« Oui, eh bien j’en doute… Les mutants ? Ecoute y a déjà assez à faire avec les humains… Elle avait eu envie de rire à ces mots mais se retint. Pour le moment, j’ai besoin de me défouler, alors rappelle moi dans quelques jours et on verra ».
Elle avait immédiatement raccroché en finissant cette phrase.

Mielle revenait toujours exténuée de ses missions de reporter photo et en général, elle avait emmagasiné tellement de choses horribles qu’elle était inspirée pendant des jours.
Elle ferma les yeux et oublia bien vite la proposition de son patron…

Mielle avait passé plusieurs jours dans son atelier à tester des couleurs, à fumer cigarette sur cigarette et à boire, occasionnellement, le scotch qui "se transmettait" de génération en génération dans sa famille.
Elle était vétue d'un long Tee-Shirt des Chargers, son équipe de football favorite.

Elle avait d'ailleurs assisté à un match le week-end dernier et ils n'avaient pas été excellent:
*Enfin! De toute façon, le spectacle était dans les gradins* se dit-elle.

En effet, le spectacle avait été presque plus intense dans les gradins à cause d'un groupe de "boulets", comme les nommait Mielle, qui avait embêté un homme parce qu'il était apparemment mutant...
Le pire c'est que Mielle était persuadée qu'il n'en était pas un.

Dans ce genre de situation, elle avait toujours l'impression d'assister à une sorte de vieux "linchage" d'arriérés et elle se faisait automatiquement des références de guerres récentes ou passées.
Elle n'avait rien fait pendant l'altercation, elle ne faisait jamais rien d'ailleurs. Comme dans son travail, elle observait.
De toute façon, ça n'avait pas été très violent!

Après quelques instants, elle réalisa que ses pensées s'étaient arrêtées sur ces mutants...
*Allez au boulot ma grande. Travailles ton fond dans les règles de l'Art...*

Elle commençait enfin une toile.
De temps en temps, elle se surprenait à penser à la proposition de son patron...

Mielle avait passé plusieurs semaines à créer peintures et poésies.
Son patron l'avait "harcelé" à tel point qu'elle avait coupé le téléphone afin d'être certaine qu'il ne pourrait plus la déranger en pleine création.

Ses oeuvres n'étaient pas toutes de futurs chefs-d'œuvre !
Cela étant, elles se vendraient comme des "petits pains" puisque aujourd'hui il n'était pas nécessaire d'être une grande et originale artiste... Il suffisait d'être la "fille de...".

Enfin, dans ce lot il y avait quand même deux ou trois petits bijoux.
Elle aimait particulièrement celle qui suggérait toute l'ironie de la guerre: un pantin de bois qui représentait un soldat se cassant la figure dès lors que la main de Dieu lui coupait les fils pour avoir ôté la vie à une créature humaine, peinte à la droite de la fameuse main...

La peinture liait des couleurs froides et chaudes: les cieux et l'âme de la créature, qui s'envolait, étaient clairs et illuminés alors que le pantin et la scène de guerre étaient sombres et agressifs.

Elle prenait un certain plaisir à s’asseoir en tailleur de temps en temps et à admirer cette peinture en essayant de trouver là où il y avait à reprendre… Mais rien, rien n’était à ajouter ou enlever. En fait, pour peu qu’il y est une sorte de défaut, il fallait l’y laisser, il était si « parlant »…

Sa femme de ménage, Eriana, une femme d’une cinquantaine d’années, brésilienne et ayant l’apparence très stéréotypée de la femme de ménage de riche, entra.

*Mince, c’est déjà dix heures ?!*

Mielle n’avait pas vu la nuit passer… Elle se leva et alla à la rencontre d’Eriana. Elle parlait avec un fort accent latin:
" Comment-allez vous Eriana ?
- Byen et vous ?
- Ca va…"
Elle haussa les épaules, toujours dans son trop long tee-Shirt de sport.
Eriana continua le sourire aux lèvres et familière sans l’être:
" Vous-avez encorre oublyer dé dormirr cètté nouit…
- Mouai, vous pouvez dire cela ainsi…"

Mielle eut un petit rictus.
Elle comptait continuer la conversation lorsque Eriana, posté dans la cuisine et sortant ses armes à ménage, lui dit sans la regarder:
" Il y a encorr-eu des prroblèmes con les moutantch… Elle attaqua violemment les placards… C’était aou centro jé croa…"

Elle faisait comme si de rien n’était et continua à expliquer à Mielle, les derniers faits divers au sujet des mutants.
Mielle très naturellement écoutait Eriana en préparant son café du matin.

En fait, Mielle qui n’avait ni télévision, ni radio, avait récemment fait de son bras droit, guerrière contre la saleté, son média matinal concernant les mutants…

Pour sûr, elle n’en toucherait pas mot à son patron !


HJ: J'espére que la longueur des postes n'est pas trop problématique! Ca ne durera pas, là j'ai installé le personnage...

edit modo - T'inquiéte, tant qu'il n'y a pas de fautes et que c'est plaisant à lire, ça n'est pas problématique. Au fait, bien l'accent brésilien

Mielle préparait son départ quand elle entendit frapper à la porte...
Elle descendit les escaliers de sa mezzanine pour arriver à côté de la cuisine et atteindre l'entrée.
Lorsqu'elle ouvrit, oh surprise!

"Mirianne, Franck? Il y a un problème?"
Demanda t-elle avec autant d'intérêt qu'elle en aurait pour...Rien!
La femme lui répondit:
"Voyons Mielle chérie, tes parents ne peuvent plus venir te voir pour prendre de tes nouvelles?"

Ses parents étaient très chics et faisaient assez jeunes... Ils étaient très souriant et pas perturbés par l'accueil de leur unique enfant.
La mère entra sans rien ajouter et le père suivit. Mielle referma aussitôt.
"Je pars demain, très tôt!
- Ah oui ?! Dit le mère surprise, et pourquoi?
- Pour mon travail, je pars en Russie...
- La Russie, un bien beau pays... Dit le père en un mumure passionnel.
- Oui, enfin j'y vais pour couvrir les massacres... Poursuivit Mielle.
- Bon, nous souhaitions juste te féliciter pour ton oeuvre chérie elle est superbe... Dit sa mère avec extravagance.
- Laquelle?
- Celle du lapin voyons! Le rapport au temps avec le lapin blanc, Alice et les monstres...
- Quoi? Mielle était déconcertée, mais c'était un dessin comme ça, pas, pas quelque chose que je souhaitais montrer..."

Ce dessin était parti malencontreusement avec les peintures à exposer...
Et dire que son pantin n'avait pas plus touché les masses que ça!

Mielle avait écouté pendant encore deux heures ses parents parler de la beauté de ce dessin qui s'était vendu très chèr ainsi que de la beauté de la Russie en plein hivers.
Elle, comme d'habitude n'avait pratiquement rien dit, attendant leur départ, pour finir de préparer le sien... Avec grande joie!

Mielle ne partit pas si tôt que ça le lendemain, à 4 pm elle était encore chez elle.

Elle revenait de la rédaction où son patron lui avait donné les dernières infos sur le sujet et où elle avait récupéré son matériel ainsi que son billet.

Elle n'avait pas hâte de partir comme l'on a hâte de fugacement découvrir de nouveaux horizons, non!
Mielle ce qu'elle aimait, dans l'idée de voyager pour son travail, c'était de découvrir une nouvelle décadence humaine qu'elle pourrait voler et zapper pour la pondre et la balancer au monde.
Une sorte de "regardez qui vous êtes espèces de monstres!" pleinement montré au travers des clichés les plus repoussant et inhumains qu'elle pouvait faire.

A présent, le taxi était là, le conducteur avait pris tous les bagages et Mielle était prête à partir.
Eriana était là.
Mielle la regarda un sourire en coin puis l'a pris amicalement dans ses bras sans pour autant être familère... Elle ne savait pas et ne voulait pas l'être!
Eriana sourit tendrement à cette "démonstration d'affection" puis regarda partir Mielle avec un visage serein bien qu'elle s'inquiétait profondément.

Avant de partir Mielle lui dit sur un ton plat:
"Faites attention aux monstres qui pourraient profiter de mon absence pour essayer de pousser dans mon atelier...
- Ne vouz-en faité pa, jé léz-orré à l'oeuil" répondit Eriana en fronçant les sourcils.

Et Mielle disparut derrière la porte sans états d'âme particuliers.

"Les rues: coin de rue sombre"

Mielle se demandait si, finalement, elle n'avait pas fait une boulette en ne tentant pas d'en savoir plus avant de virer l'indic...
Cet institut ce n'était peut-être rien comme info...

Elle passa le reste de la journée, cigarettes à la bouche, à faire des recherches sur le net, dans les journaux, à appeler des collègues ou connaissances mais rien. Rien d'autre que « Institut pour surdoués »…

* La belle affaire* se dit-elle.

Selon elle, cet institut était assez peu réputé pour cacher quelque chose… En même temps, ce quelque chose pouvait se résumer à des gosses trop fufuts et qui avaient besoin d’être isolés du monde…
Ironiquement elle se dit :

* Un peu comme moi quoi…*

Enfin ! Sa curiosité était tout de même travaillée au vif.
Elle décida donc d’en avoir le cœur net et songeait à se rendre sur le site pour voir ce qu’il s’y passait.
Elle y ferait des photos, son grand truc, et elle finirait par avoir une certitude.

Plus intimement questionnée, elle revint sur cette nuance entre « mutants, dons » et « humains, surdoués ». Ca la perturbait un petit peu. Quelle(s) réelle(s) différence(s) pouvaient-il y avoir ?
Elle se souvint soudainement de cet homme croisé une nuit qui survolait le sol en sens arrière.

*C’était un mutant ça, pour sûr !*

Puis elle pensa à elle, plutôt « mutante » si l’on écoutait certains de ses proches…

Peu importait ! Elle se décida, demain elle irait faire des clichés de ce lieu et des gamins.