Petit brin de nostalgie

Warren était arrivé à l'institut la veille, accompagné d'une charmante texane du nom de Ambre. Il avait béni le destin de lui avoir permis de croiser cette jeune mutante qui l'invita à habiter l'institut du Professeur Charles-Xavier. Le jeune millionnaire accepta sans se poser trop de questions le nouveau mode de vie que lui proposait la jeune... euh, elle était fermière ou agricultrice déjà? De toute façon, c'était du pareil au même.

Il avait aussi réfléchit énormément à ses dernières années au pensionnat, depuis sa fugue. Il repensait de temps en temps aussi à ses parents. Son père devait être furieux, et sa mère inquiète. Par contre, il ne lu pas les journaux, de peur d'y voir sa tête.

Après un court entrevue avec le professeur Xavier, Warren fut assigné à une chambre nouvellement libérée et toujours décorée comme son ancien propriétaire l'avait décidé. Apparement, celui-ci avait des goûts... différents de ceux de Warren, qui passa la soirée à réfléchir en enlevant posters et autres décorations. Par contre, une jolie horloge de cuivre prenait fièrement place au-dessus d'une commode de bois clair. Elle plut au jeune mutant qui l'y laissa.

Le lendemain matin, il se leva, après une grasse matinée bien méritée, puis chercha son amie, qu'il ne trouva pas. Cherchant à retarder encore davantage le moment auquel il devrait annoncer qu'il était bel et bien vivant et en santé, et même logé et nourri, il était allé faire un tour à la piscine. Que diront ses parents si ils apprennent qu'il vit désormais entouré de jeunes mutants (d'ailleurs, Warren lui-même ne se fait pas encore à l'idée et sursaute lorsque quelqu'un traverse un mur devant lui ou s'immisce dans ses pensées).

"Faudra tout de même que je les appelle avant longtemps..."

Warren enleva donc sa paire de baskets polyvalents (elle était hors de prix, mais un peu moins que les autres), qui était la seule qu'il possédât à l'institut. Il enleva ensuite ses bas et les mits dans les chaussures, qu'il éloigna du bord de la piscine, avant de remonter ses pantalons et de tremper ses chevilles dans l'eau tiède de la piscine.

"Ça fait si longtemps... J'aimerais vraiment pouvoir me baigner de nouveau..." Pensa-t-il

Plongé dans une lecture plus qu'intéressante, le professeur Xavier sentit que quelqu'un dans l'Institut avait ses pensées tournées vers des êtres chers... des êtres inquiets, ou furieux, des parents...

Le dénommé Warren Worthington, troisième du nom, arrivé depuis la veille, pensait à ses parents qui devaient se demander où leur fils se trouvait. Il y avait autre chose... ce qu'un jeune mutant ressent habituellement, cette image qu'il renvoie, celle d'un être anormal au regard des autres...

Silencieusement, aussi vite que son fauteuil le lui permaettait,Charles Xavier quitta son bureau et parvint à l'extérieur. Au bord de la piscine, l'homme aux ailes d'ange se trempait les pieds.

"Tu peux te baigner, si tu en as envie." dit doucement le professeur alors qu'il arrivait à la hauteur du jeune mutant.

À cet instant, les pensées de Warren, qui ballotait ses pieds dans le reflet d'un petit cumulus nacré, étaient maintenant orientées vers l'amitié, bien que la voix de sa conscience continuait de débattre sur la légitimité d'une baignade. Il pensait donc à ses amis du collège, en se demandant si ils méritaient réellement d'être ainsi nommés, puisqu'ils l'auraient probablement traité de monstre si ils l'avaient vu le dos à nu. Peut-être que non aussi. Peut-être justement que leur amitié était assez forte pour que leur opinion change en sachant ce qu'il était. En fait, non. Il n'y croyait pas non plus, car si ils avaient été si proches, si dignes de confiance, Warren leur aurait très certainement partagé son secret. Mais il avait plutôt fermé son coeur, signe que leur amitié n'était pas véritable.
"Mais y a-t-il réellement quelquechose de véritable sur cette planète?"

Ambre lui avait bien prouvé qu'il existait des gens méritant et donnant la confiance. Qu'il existait des choses véritables dans ce monde, malgré que l'éducation du jeune homme l'en eut éloigné, en quelque sorte. Mais pour l'instant, il ne s'en rappelait pas, n'y pensait pas. Il était désormais inquiet quant à se faire des nouveaux amis, qui eux seraient de vrais bons amis. Alors qu'il croyait que c'était peine perdue, une voix d'homme mature se fit entendre. Le professeur Xavier, qu'il avait rencontré la veille et faisait penser, selon War, à un grand-père sage et compréhensif, lui proposait d'entrer dans la piscine et de s'y baigner. Il lui disait que c'était possible. Le visage de Warren s'illumina comme jadis celui de l'enfant qu'il avait été mais n'était plus depuis longtemps. Il demanda malgré tout, pour s'assurer de ne pas encontrer de problèmes :

-Malgré mes ailes et tout, vous croyez que je peux? Je veux dire, savez-vous si elles risque de prendre une éternité à sécher?

Ce matin, le jeune homme riche avait pris la peine de mettre son maillot de bain sous ses pantalons, car il voulait aller à la piscine avec Ambre et son ami, Piotr. Malheureusement, il ne les avait pas trouvés. Malgré tout, la possibilité de se baigner s'offrait à lui. Tout en posant sa question au professeur, ses pieds jaillirent donc de l'eau, fort rapidement, en éclaboussant légèrement l'une des roues de la silencieuse chaise du professeur. Il enleva son pantalon et le plia, malgré sa hâte, avant de le déposer sur ses souliers bien rangés. Il portait un beau maillot, presque neuf et tout à fait tendance, sans être trop tape-à-l'oeil. Il passa une main pour enlever son chandail lorsqu'il s'aperçut réellement que c'était le professeur Xavier, directeur de l'institut, qui se trouvait face à lui. Personne d'autre. Il rougit instantanément, lâchant son chandail, et fixa le sol dallé qui entourait la piscine, puis le petit paquet en lequel consistait ses vêtements.

D'autres pensées, plus heureuses, tournées vers l'amitié, remplacèrent l'inquiétude. Puis plus de joie, celle qui résultait de cette proposition faite par le professeur. mais malgré l'envie d'entrer dans l'eau, il demeurait une légère hésitation, concernant les ailes de Warren.

"Tu n'as pas à t'en faire. Les oiseaux ont un moyen simple de se sécher, et tu peux très bien l'employer également." répondit Xavier, souriant.

Le jeune mutant se dévêtit donc mais s'interrompit soudain. Une certaine gêne était apparue devant celui qui dirigeait l'établissement. Le sourire du professeur s'élargit.

"Tu n'as pas à être gêné. N'aie aucune honte de ton corps, de ce que tu es. J'ai depuis longtemps oublié de me soucier du regard des autres."

Il posa les yeux sur l'eau bleue de la piscine, dans laquelle lui n'était jamais entrée. Mais la jeunesse et la forme d'Archangel le lui permettaient.

"Fais-toi plaisir."

Le professeur Xavier se montrait encourageant. Il était vrai que lors d'un de leur nombreux voyage, la famille Worthington avait observé une famille de cormorans qui se faisaient sécher les ailes sur le bord de la mer, ailes déployées au vent marin qui les séchait. Vent marin que Warren adorait sentir sur sa peau, dans ses narines, les odeurs de la liberté. Pourquoi n'y avait-il jamais pensé? Peut-être parce que cet instant n'avait duré qu'une quarantaine de secondes, car Warren Worthington deuxième du nom avait décidé que les volatiles n'en valaient pas la peine. L'image était néanmoins restée, inchangée, dans la mémoire du jeune homme. Lui qui n'avait pensé qu'à l'hypothèse des canards qui huilaient leurs plumes pour les rendre imperméables, il n'avait maintenant plus aucune raison de s'empêcher de se baigner.

Il enleva alors sa veste, puis son gilet, qu'il plia et rangea par-dessus ses pantalons. Il avait oublié de s'emporter une serviette, mais si il devait se sécher les ailes, aussi bien se laisser sécher complètement par le soleil! Il enleva finalement sa montre et son collier en faux corail (il avait vraiment tenu à ne pas exploiter ces pauvres animaux maritimes lorsqu'il avait choisi ce joli bijou), qu'il rangea dans son espadrille gauche, en soulevant le coin de la pile.

N'osant pas plonger, Warren commença par tremper ses pieds dans l'eau, l'un après l'autre, puis il s'assit sur la bordure de la piscine. C'est alors qu'il pensa à être poli :

-Merci, professeur.

Ne sachant pas quoi dire de plus, il se glissa tranquillement dans l'eau, très lentement, en ressentant chaque cellule épithéliale se faire mouiller par l'eau fraîche du matin. Lorsque ses épaules furent complètement repliées vers l'arrière, les paumes de ses mains presque à la hauteur de ses aisselles, le bout de ses orteils touchant le fond, il laissa tomber ses bras dans l'eau, tout aussi tranquillement, en finissant de s'engouffrer jusqu'à la tête. Un frisson parcourut le jeune homme lorsque ses ailes entrèrent dans le liquide clair. Il avait l'impression de sentir chaque protéine de chaque plume glisser dans l'eau, comme en prenant un dernier souffle. On aurait dit un énorme chatouilli qui se propageait tout le long de ces appendices et se faisait ressentir jusque dans son échine.

Lorsqu'il ressortit la tête de l'eau, tous ses tourments s'étaient dissipés et il se mit à tenter de maladroites longueurs. Peu importe ce qu'il tentait de faire de ses ailes, elles semblaient résolues à rester dans le chemin, au mauvais endroit. Jusqu'à ce qu'il tente de les forcer dans cette position non-naturelle à laquelle son harnais les contraignait. Celà lui demanda beaucoup d'effort et de concentration, mais lorsqu'il parvint à un résultat à peu près potable, il nageait déjà plus facilement.

Xavier ne répondit rien et se contenta de sourire. Il suivit intégralement les variations de l'esprit de Warren tandis qu'il entrait dans l'eau et cherchait la meilleure position pour nager malgré ses ailes... Celles-ci étaient attachées par un harnais, ce qui en ce moment précis, dérangea le professeur. Après tout, les élèves qui venaient ici n'étaient pas de simples élèves, et lui leur apprenait à vivre avec leur mutation.

"Je pense que si tu retires ce harnais, au moins pour nager, tu te rendras naturellement compte qu'elles ne te gênent pas. Elles font partie de toi, c'est un don que tu as, je peux t'apprendre à vivre avec, sans que tu en gardes l'image d'une différence qui choque ou effraie, mais d'un avantage."

L'esprit de Charles Xavier s'aventura un moment dans l'Institut pour s'assurer que tout allait bien et revint sur Warren. Il n'était pas le premier mutant dans ce cas, et n'était sûrement pas le dernier, et le professeur ferait tout pour que le regard que portait sur lui-même le jeune homme ailé change. Il ne suivait pas la même voie que celui qui avait été son ami et choisi de s'enfermer dans une lutte avec l'humanité, il avait décidé de protéger les mutants jusqu'à les faire s'accepter et être acceptés.

Warren entendit la réplique du professeur et décida de lui obéir, bien qu'il ne comprenne pas pourquoi ce dispositif agaçait le professeur. En fait, une petite voix, dans sa tête (celle du narrateur, fort probablement), lui expliquait patiemment :
Petit 1. Il te fait mal
Petit 2. Tout le monde ici est aussi mutant que toi et se fout de tes ailes
Petit 3. Tu n'es pas confortable
Petit 4. Ça ira mieux pour nager
Petit 5. Tu rêves pas de liberté, à ton jeune âge?
Petit 6. Le professeur te l'a demandé, grand dadais!
Petit 7. Tout le monde sera jaloux de tes ailes
Petit 8. Pourquoi avoir honte de qui tu es?
Petit 9. Tu veux vraiment que je continue??

Ainsi, Warren finit par comprendre ce que lui demandait le professeur, ses motivations (du moins, ce qu'il croyait être ses motivations), etc. Il se rendit donc au bout de la piscine, grimpa sur le bord et détacha patiemment les courroies de son harnais, sans se presser. Il ne réfléchissait pas. Toute son attention était portée sur le jeu habile de ses mains et sur la sensation de l'air qui glissait, s'infiltrait tranquillement de plus en plus entre ses plumes et son dos. Lorsqu'il retira le harnais, il déploya ses ailes autant qu'il le pouvait, mais l'accessoire avait atrophié les muscles aviaires. Il se demandait même comment il était parvenu à voler au beau milieu de la nuit, malgré cette atrophie musculaire... Probablement que la raison véritable était que la liberté donne des ailes... on ne pouvait mieux dire! Il ressentait une petite crampe sous son homoplate gauche, mais ne s'en formalisa pas et plonga directement.

La sensation de l'eau était encore plus merveilleuse que tout à l'heure. Et sous l'eau, il se surprit à penser :

"Merci"

Il s'aperçut rapidement que les mouvements lui semblaient plus rapides sous l'eau et donc qu'il pourrait commencer à développer ses muscles dans le bassin. La sensation était merveilleuse, bénéfique. Warren était subjugué, à l'extase, après 10 ans sans ce précieux contact avec le liquide vital, c'était comme si il renaissait.

Le professeur suivit la réflexion de Warren... quelles raisons pouvaient le pousser à laisser libres ses ailes, un don, et non une tare ? Puis les mots de Charles Xavier semblèrent avoir fait leur chemin. Le jeune mutant sortit de l'eau pour retirer le harnais... et il parut soulagé d'en être libéré... seul un détail le gênait, une douleur...

Warren plongea et remercia le professeur, qui lui répondit par un sourire. A présent, des pensées plus heureuses traversaient l'esprit il y a peu perturbé mais maintenant plus enclin à se laisser à une liberté enfin comprise...

"Tu devrais aller voir le docteur Jean Grey pour cette petite douleur. Même si ça n'est pas grave, elle te soignera. Ce sont souvent les maux les plus insignifiants qui sont les plus dérangeants..."

Il avait lui depuis longtemps oublié de penser à ses propres maux pour se consacrer à guérir du mieux qu'il pouvait les maux intérieurs des mutants venant à l'Institut.

"Et en espérant que maintenant tu as compris ton unicité et surtout ton exception. La mutation ne doit pas être vue comme une maladie dont on doit absolument se débarasser."

Il sourit de nouveau et amorça un demi-tour pour retourner à l'Institut, mais attendit d'abord la réaction d'Archangel.

Warren ressortit de l'eau au bout d'un moment assez long. Il avait trouvé bien étrange d'entendre la voix du professeur dans sa tête, mais savait que celui-ci ne comptait pas l'intimider. Et malgré que War ne se sente pas à l'aise de savoir qu'on sondait aussi facilement son esprit, il osait se douter que le professeur ne lui ferait jamais de mal à partir de ces renseignements qu'il pouvait y trouver.
Il s'aperçut que le professeur était sur son départ. Il n'en était ni rassuré (pour sa santé psychologique) ni attristé (de se retrouver seul). Il pourrait exercer ses ailes, comme il venait de se le promettre, seul, sans être impoli en ne faisant pas la conversation à quelqu'un. Et puis, peut-être pourrait-il aussi continuer de faire le point sur sa vie... tranquillement... juste parce qu'il en avait besoin à cet instant précis...

Warren se laissa donc flotter, sans effort, jusqu'à la partie la moins creuse de la piscine, où il se remit sur ses jambes et battit un peu des ailes, pour les réchauffer. Ensuite, il alla sur le plongeon et sauta dans l'eau. C'était une étrange sensation car la légèreté de ses ailes et de ses os semblait l'attirer très rapidement vers la surface. Il nagea ensuite en ne se servant que de la force motrice de ses appendices, afin de les renforcir. Il avait grand peine à imaginer les meilleurs exercices à faire, car il n'avait jamais entendu parler de qui que ce soit qui suivait de la réhabilitation comme il le faisait en ce moment.

Warren laissa partir le sage homme sans rien dire. Il nageait toujours et réfléchissait à ce qu'il avait appris durant la journée. Il s'ennuyait toujours un peu de la maison et trouvait encore étange de vivre dans cet endroit. Les minutes passaient, alors que le jeune homme s'apaisait tranquillement, que ses pensées devenaient de plus en plus floues, subjuguées par le bien-être procuré par la nage. Lorsqu'il ressortit de l'eau, au bout de presque une heure de solitude confortable, il se sécha et se rhabilla. Ensuite, il se dirigea vers sa chambre, écrivit un petit mot de sa calligraphie légère, à l'intention des professeurs, leur soulignant son retour chez ses parents et les remerciant de leur hospitalité.
Il lança un regard à l'horloge de cuivre, se disant qu'il aurait aimé laissé une partie de lui dans cet endroit, lui aussi.
Sur ce, il sortit dans le petit boisé près de l'institut et décida de s'envoler vers la ville, considérant que ce moyen de transport était le plus rapide. Il fit bien attention de ne pas se poser à la vue et rentra chez lui, en croyant que le petit incident serait vite oublié. Il était loin de penser que cette fugue allait inciter son père à inventer un nouveau "remède" anti-mutant. Loin aussi de s'imaginer qu'un jour il se ferait nommer Angel. D'ailleurs, cette comparaison ne lui avait encore jamais effleuré l'esprit.

[HJ: Je vais laisser un message où il faut (je pense) ]